La CEDH enjoint à l'État belge d'exécuter une condamnation à héberger un demandeur d'asile

Depuis des mois, faute de places d'accueil suffisantes, de nombreux demandeurs d'asile en Belgique sont livrés à eux-mêmes ou dépendent de la solidarité de la société civile belge. Nombreux sont ceux qui vivent dans la rue.

Dans ce contexte, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, pour la première fois, ordonné une mesure provisoire :

Un demandeur d'asile ne s'était pas vu attribuer de place d'accueil par FEDASIL. Il a alors saisi le tribunal du travail, qui a condamné FEDASIL à l'héberger sous peine d'astreinte. Malgré plusieurs demandes d'hébergement de ce demandeur d'asile, FEDASIL ne s'était toujours pas conformée à la condamnation trois mois après celle-ci. Entre-temps, le demandeur d'asile concerné continuait à vivre dans la rue.

L'Etat belge a donc été invité par la CEDH le 31 octobre 2022 (affaire Camara c. Belgique) à exécuter la condamnation du tribunal du travail belge à fournir une aide matérielle et un hébergement au demandeur d'asile afin qu'il puisse subvenir à ses besoins fondamentaux.

Pour information, la Cour ne fait droit aux demandes de mesures provisoires que dans des cas exceptionnels, lorsque le demandeur - en l'absence de telles mesures - serait exposé à un risque réel de subir un préjudice irréparable. 

Cour du travail de Bruxelles : dans l'attente d'un hébergement par FEDASIL, un demandeur d'asile peut demander une aide sociale.

La "crise de l'accueil" se poursuit en Belgique : depuis des mois, faute de places d'accueil suffisantes, de nombreux demandeurs d'asile sont livrés à eux-mêmes ou dépendent de la solidarité de la société civile belge. Nombre d’entre eux vivent dans la rue.

Or, tout demandeur d'asile a le droit de recevoir une aide "matérielle" sous la forme d'un hébergement dans un centre d'asile ou dans une autre structure d'accueil.

FEDASIL a donc été condamnée plusieurs milliers de fois déjà à héberger des demandeurs d'asile individuels.

Cependant, FEDASIL ne s'exécute que plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après avoir été condamnée, même si la condamnation est assortie d'une astreinte.

L'astreinte s'est révélée être un moyen de pression insuffisant, car FEDASIL, en tant qu'organisme d'intérêt public, dispose presque exclusivement de biens insaisissables. FEDASIL n’a dès lors que peu à craindre si elle ne se conforme pas rapidement à une condamnation.

Dans un arrêt du 28 septembre 2022, la Cour du travail de Bruxelles a donc ouvert la possibilité pour un demandeur d'asile, que FEDASIL doit héberger immédiatement, de s'adresser à un CPAS afin de pouvoir bénéficier d'une aide financière (aide sociale) dans l'attente d'un hébergement, si l'hébergement n'a pas eu lieu dans les 48 heures.

Techniquement, il s'agit d'une non-désignation/suppression (provisoire) d'un lieu obligatoire d'inscription (code 207).

La Cour du travail a notamment confirmé cette jurisprudence dans un arrêt du 15 décembre 2022.

Cour d'appel de Liège : des documents d'identité palestiniens ne constituent pas une preuve de « nationalité palestinienne »

Il n'aura pas échappé au lecteur attentif de nos actualités que les questions de savoir si la Palestine est un État et s'il existe une nationalité palestinienne reçoivent actuellement des réponses différentes de la part des tribunaux belges.

Récemment, le ministère public a soutenu que la délivrance de documents d'identité par l'Autorité palestinienne constituerait la preuve que leurs détenteurs possèdent une "nationalité palestinienne".

La Cour d'appel de Liège a rejeté cet argument dans plusieurs arrêts du 30 juin 2022 et a décidé que :

Lire la suite

La Cour d'appel de Liège sur les possibilités pour un enfant né en Belgique, qui autrement serait apatride, d’obtenir la nationalité belge si ses parents ont obtenu le statut de protection subsidiaire.

La Cour d'appel de Liège a été saisie de la question de savoir si un enfant né en Belgique et dont les parents ont obtenu le statut de protection subsidiaire doit obtenir automatiquement la nationalité belge.

L'article 10 du Code de la nationalité belge prévoit qu'un enfant né en Belgique qui serait apatride s'il n'obtenait pas la nationalité belge se voit attribuer la nationalité belge, à moins qu'il ne puisse obtenir une autre nationalité par l’entreprise de démarches administratives appropriées auprès des autorités du/des pays de ses parents.

Dans son arrêt du 3 mars 2022, la Cour aborde tout d'abord deux questions de procédure :

  • Les demandes d'octroi de la nationalité belge sur la base de l'article 10 du Code de la nationalité belge relèvent de la compétence du tribunal de la famille, conformément à l'article 572bis du Code judiciaire.
  • Le délai d'appel est d'un mois à partir de la notification du jugement du tribunal de la famille (art. 1031 du Code civil) si la procédure a été introduite par requête unilatérale. En d'autres termes, le bref délai de 15 jours prévu par le code de la nationalité en cas de déclaration de nationalité ne s'applique pas dans ce cas de figure.

La Cour explique ensuite dans quels cas le statut de protection subsidiaire des parents constitue une "impossibilité absolue" d'entrer en contact avec les autorités de leur(s) pays d'origine, lorsque ce contact est nécessaire pour obtenir la nationalité du pays d'origine concerné et que leur enfant peut donc se voir attribuer la nationalité belge de ce seul fait (a), et dans quels cas des preuves supplémentaires doivent être fournies pour démontrer que l'enfant, afin de pouvoir devenir belge, ne pourrait pas obtenir une autre nationalité (b).

(a) Une prise de contact avec les autorités du/des pays de ses parents ne peut pas être exigée si ceux-ci ont obtenu le statut de protection subsidiaire parce qu'ils risquent l'exécution d'une peine de mort ou la torture, des traitements ou des peines inhumains ou dégradants dans leur pays d'origine.

Cela vaut également pour les réfugiés.

(b) En revanche, si les parents se sont vu accorder le statut de protection subsidiaire en raison d'une menace individuelle grave dans le cadre d'un conflit armé, une telle prise de contact n'est pas automatiquement impossible.

Par conséquent, les parents de l'enfant concerné ont été invités à prendre contact avec les autorités de leur pays d'origine (la Syrie) afin de tenter d'obtenir la nationalité de ce pays pour l'enfant.

En conclusion, la Cour d'appel de Liège retient que "si les démarches entreprises par les parents auprès de leurs représentations diplomatiques ou consulaires n'ont pas abouti à l'octroi de la nationalité [syrienne] à leur enfant, cela démontre que l'enfant ne peut pas obtenir une autre nationalité par une démarche administrative, ce qui aura pour conséquence qu’il lui sera attribué la nationalité belge conformément à l'article 10" (traduction libre).

La Cour de cassation rejette des pourvois dirigés contre les arrêts "Palestine" de la chambre germanophone de la Cour d’appel de Liège.

Dans plusieurs arrêts, la chambre germanophone de la Cour d’appel de Liège avait décidé que les territoires palestiniens n’étaient pas à considérer comme un Etat en Belgique.  En conséquence, il n’y a pas non plus de nationalité palestinienne, de sorte que les Palestiniens pourraient être reconnus comme apatrides.

Le parquet général, qui, comme la plupart des autres tribunaux en Belgique, considère que la Palestine est un Etat et que les Palestiniens ne sont dès lors pas des apatrides, avait formé des pourvois contre ces arrêts devant la Cour de cassation. La Cour de cassation a à présent rejeté ces pourvois pour des motifs purement formels, sans se prononcer sur le fond de la question, si la Palestine doit être considérée en Belgique comme un état ou pas. (Arrêt C.20.0292.F du 19 novembre 2021).

/CONTACT

La Calamine

Rue de la Chapelle 26
B-4720 La Calamine

T +32 (0) 87 65 28 11
F +32 (0) 87 55 49 96
E info@levigo-avocats.be