Les palestiniens sont-ils des apatrides?
Un apatride est une personne qu’aucun Etat n’accepte, en vertu de son droit, comme étant son ressortissant. Depuis un certain temps, les tribunaux flamands et germanophones débattent de la question de savoir si les palestiniens sont ou non des apatrides.
La Palestine n’a pas été reconnue par la Belgique comme un Etat. Pour les uns, une telle reconnaissance constitue une condition afin que les tribunaux belges puissent considérer qu’il s’agit d’un Etat ("théorie constitutive"). Pour les autres, il suffit, pour qu’il soit question d’un Etat, qu’il soit prouvé que la Palestine détient un territoire, une population et une autorité publique, de même que la possibilité d’entretenir des relations internationales ("théorie déclarative").
Le Tribunal de première instance d’Eupen s’est exprimée à propos de cette question dans plusieurs jugements du 20 novembre 2018. Puisque la nationalité est l’appartenance légale d’une personne à un Etat, le seul fait que la Palestine n’est pas internationalement reconnue ne peut constituer le seul facteur déterminant, encore faut-il vérifier que les requérants sont reconnus par la Palestine comme leurs ressortissants. Le Tribunal constate ensuite qu’il n’y a aucune disposition légale qui détermine l’acquisition ou la perte de la nationalité palestinienne, de sorte que « même les ethnies palestiniennes […] ne pourraient acquérir la nationalité palestinienne ». En outre, les autorités palestiniennes autonomes ne peuvent garantir aux palestiniens les droits et la protection, qui sont en général accordés par l’Etat à ses ressortissants., comme le droit d’entrée et de sortie de son pays natal, le droit de s’y installer ou le droit à la protection diplomatique. De ce fait, les palestiniens peuvent être reconnus comme apatrides – indépendamment de la question de savoir si la Palestine est un Etat ou non – dans la mesure où à défaut de lois sur la nationalité, ils ne peuvent de toute façon pas posséder ou acquérir la nationalité palestinienne.
Le Tribunal de première instance d’Eupen rejoint donc une troisième thèse, selon laquelle pour prétendre à un nationalité, il n’est pas seulement nécessaire qu’il s’agisse d’un Etat, mais il faut encore qu’il y ait un droit de la nationalité, à savoir une loi qui règle l’appartenance à un Etat – ce qui n’est pas le cas en Palestine, même si l’on partait du principe de l’existence d’un Etat. Les Palestiniens peuvent donc être reconnus comme apatrides par le Tribunal de première instance d’Eupen, dans la mesure où ils n’ont pas d’autre « nationalité ».