Les grandes lignes de la réforme successorale
Le parlement fédéral a adopté le 20 juillet 2017 la loi réformant le droit civil des successions. Cette loi, promulguée la 31 juillet 2017, a été publiée au Moniteur belge le 1er septembre 2017. Elle n’entrera pas immédiatement en vigueur puisqu’un délai d’un an est prévu entre sa publication au Moniteur belge et son entrée en vigueur, ce qui laisse le temps à chacun de pouvoir faire le point sur sa situation personnelle et de s’informer sur les impacts des modifications sur celle-ci.
Nous épinglerons ici les principales modifications adoptées par le législateur.
1. Modification de la réserve des descendants et des ascendants
En droit des successions, la réserve héréditaire et une portion de la succession qui est réservée par la loi à certains héritiers protégés, les « héritiers réservataires », dont font notamment parties les descendants (les enfants) et les ascendants. Cela signifie que vous ne disposez librement que d’une partie limitée de vos biens, appelée la « quotité disponible ».
Réserve des descendants :
Actuellement, la réserve de vos enfants varie selon leur nombre : si vous avez un enfant, sa réserve s’élève à 1/2 de votre patrimoine, si vous avez deux enfants, leur réserve est d’1/3 chacun, si vous en avez trois, leur réserve est d’1/4 chacun.
Avec la réforme, vos enfants bénéficieront toujours, ensemble, d’une réserve d’1/2 de votre patrimoine, laquelle devra être partagée entre eux en fonction de leur nombre. La réserve individuelle de chaque enfant sera donc d’1/2 s’il y a un enfant, de 1/4 chacun s’ils sont deux, de 1/6 chacun s’ils sont trois, etc.
Cela signifie concrètement que vous bénéficierez d’une marge de manœuvre plus importante dans la rédaction de votre testament.
Réserve des ascendants :
Pour le moment, si vous décédez sans laisser d’enfants, vos ascendants, s’ils sont encore en vie, ont droit chacun à 1/4 de votre patrimoine.
La réforme supprime la réserve des ascendants. Concrètement, vos parents conservent leur vocation à hériter si vous n’avez rien prévu. Mais vous pourrez, dans le cadre d’un testament, les priver de cette part d’héritage.
Toutefois, si vos parents se trouvent dans un état de besoin, ils pourront réclamer une créance alimentaire à votre succession, soit sous la forme d’une rente viagère, soit sous la forme d’un capital.
2. Plus de sécurité pour les biens donnés ou légués
A l’heure actuelle, en cas de décès, un bien mobilier ou immobilier qui aurait fait l’objet d’une donation du vivant du défunt est considéré comme une « avance » sur l’héritage et doit revenir en nature dans la succession lorsque l’on procède au partage. Cela a pour but de vérifier si le défunt a suffisamment tenu compte de la réserve des héritiers.
Avec la réforme, ce bien mobilier ou immobilier ne sera pris en compte qu’en valeur dans la succession. Autrement dit, le donataire pourra conserver le meuble ou l’immeuble qui lui aura été donné, mais en imputant la valeur de celui-ci sur sa part d’héritage.
Les anciennes règles peuvent cependant continuer à s’appliquer aux donations que vous avez consenties avant la réforme, dans les deux cas suivants :
- vous avez expressément stipulé que la donation que vous avez réalisée avant l’entrée en vigueur de la loi était rapportables en nature ;
- vous déclarez chez un notaire dans un délai d’un an à partir du jour de la publication de la loi au Moniteur belge que vous souhaitez que les donations que vous avez réalisées avant l’entrée en vigueur de la loi restent soumises à l’ancien régime.
3. Les pactes successoraux
A l’heure actuelle, il n’est pas possible d’établir de conventions pour s’accorder sur la succession future d’une personne encore en vie.
Suite à la réforme, les parents et leurs enfants auront la possibilité de conclure des pactes successoraux. Concrètement, ils pourront s’accorder sur la future succession des parents chez le notaire.
Il faut distinguer deux types de pactes successoraux : les « pactes successoraux familiaux » et les « pactes successoraux ponctuels ».
Le pacte successoral familial :
Par ce pacte, les parents et leurs enfants pourront se concerter afin de prendre des dispositions concernant la future succession des parents. Les parents et leurs enfants pourront ainsi apprécier, en concertation, si chacun d’eux a été traité de manière équilibrée. Si tel est le cas, la signature du pacte permettra de « remettre les compteurs à zéro », de sorte que les donations reçues par chaque enfant ne pourront plus être remises en cause.
L’établissement d’un pacte permettra d’éviter de nombreux conflits et permettra de sécuriser les donations reçues par chacun.
Le pacte successoral ponctuel :
il s’agit de la possibilité de trouver des accords spécifiques entre certains membres de la famille. C’est pacte n’exige pas l’accord de tous les membres de la famille, mais seront établis suite à un acte juridique spécifique qui concernera un certain nombre de membres de la famille.
Par exemple, chaque enfant pourrait accepter et décider à l’avance que sa réserve est « atteinte » par une donation consentie à un frère (parce qu’il est handicapé) ou à un tiers (un beau-fils ou une belle-fille, dans le cadre d’une famille recomposée).
Le rôle du notaire
Dans la mesure où l’influence d’un tel pacte successoral sur la succession peut être considérable, le législateur a prévu que les pactes successoraux devront impérativement être établis par un notaire. Le notaire pourra ainsi informer précisément et conseiller les parties sur les conséquences du pacte envisagé.