La remise de dettes dans le cadre d’un règlement collectif de dettes : libération des autres débiteurs solidaires

Une obligation solidaire est une obligation avec une pluralité de créanciers ou de débiteurs et où il n’y a pas division des créances et des dettes.

« Il y a solidarité de la part des débiteurs lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le payement fait par un seul libère les autres envers le créancier » (article 1200 du Code civil).

La remise de dettes est régie par les articles 1285 à 1288 du Code civil. L’article 1285 du Code civil prévoit notamment que la remise de dette au profit de l’un des codébiteurs solidaires, libère tous les autres, à moins que le créancier n’est expressément réservé ses droits contre ces derniers. Dans ce dernier cas, il ne peut plus répéter la dette que déduction faite de la part de celui auquel il a fait la remise.

Dans le cadre d’un règlement collectif de dettes, une remise de dettes totale ou partielle peut être proposée par la médiateur de dettes aux créanciers dans le cadre du plan de remboursement amiable qu’il soumet à l’approbation des créanciers.

La Cour de cassation a rendu le 15 mai 2017 un arrêt relatif à l’implication d’une remise de dettes accordée à l’un des codébiteurs solidaires dans la cadre d’un règlement collectif de dettes, sur les obligations de l’autre codébiteur solidaire.

Les faits peuvent être résumés comme suit :

Des époux sont solidairement tenus au paiement d’un prêt auprès d’une institution bancaire et l’épouse concède sur ce prêt une cession de salaire par acte séparé.

Les obligations de remboursement ne sont pas respectées.

L’époux introduit une requête en règlement collectif de dettes, étant précisé que l’épouse, ayant la qualité de commerçante, ne pouvait être admise au règlement collectif de dettes.

Le médiateur dépose un projet de plan amiable avec remboursement du principal et renonciation au paiement des intérêts, pénalités et autres frais. Ce plan est accepté par les créanciers, dont l’institution bancaire, et homologué par le tribunal.

En 2010, la situation du médié se dégrade et le médiateur propose une clôture anticipée. La banque marque son accord sur cette proposition et se retourne contre l’épouse, en lui notifiant son intention d’exécuter la cession de rémunération.

L’épouse s’oppose à la mise en œuvre de cette cession et soutient qu’en acceptant le plan amiable proposé par le médiateur, la banque a définitivement renoncé aux intérêts de retard et à l’indemnité conventionnelle et qu’en vertu de l’article 1285 du Code civil, la remise des charges conventionnelles accordées à des débiteurs solidaires libère tous les autres.

Le juge de paix saisi du litige va considérer qu’étendre le champ d’application du règlement collectif de dettes au conjoint ou à l’ex-conjoint du débiteur médié reviendrait à permettre à un débiteur qui pourrait avoir (aurait) la qualité de commerçant et avoir (aurait) manifestement organisé son insolvabilité de bénéficier des mesures prévues dans le cadre de la médiation. Il va en outre considérer que tel n’était pas le vœu du législateur, car un tel raisonnement priverait le mécanisme de la solidarité de toute utilité. Il va en conclure que la banque est en droit de se retourner contre l’épouse.

La Cour de cassation ne va pas être du même avis.

La Cour de cassation va considérer qu’un plan de règlement amiable qui prévoit une remise de dette totale ou partielle en faveur de l’un des codébiteurs solidaires entraîne la libération des autres débiteurs, à moins que le créancier n’ait expressément réservé ses droits contre ces derniers.

Le jugement attaqué, qui considère que la remise de dette accordée sans réserve à l’ex-conjoint,  dans le cadre d’un plan de règlement amiable ne peut profiter à l’ex-épouse, ne justifiait pas légalement sa décision de valider la cession de rémunération consentie par l’ex-épouse pour le solde qui resterait dû en principal, intérêts et frais.

Le jugement attaqué sera donc cassé par la Cour de cassation.

Il s’ensuit que les créanciers devront, à l’avenir, être plus attentifs lorsqu’ils manifesteront leur acceptation au plan de règlement amiable, avec renonciation totale ou partielle. S’ils veulent préserver leurs droits vis-à-vis des codébiteurs solidaires, non concernés par le règlement collectif de dettes, ils devront expressément réservé leurs droits contre ces derniers.

 

 

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